Nic-Nac
- Isabelle Halleux
- 8 sept.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 18 sept.

On l’appelait « Nic-Nac », comme les bonbons de St Nicolas. Je devais avoir 9 ans quand elle m'a accueillie chez les "étincelles". Je crois que je l’ai aimée tout de suite. Elle avait tout ce qu'un enfant peut adorer chez une "dirigeante" - c’est comme cela qu’on appelait les animatrices du Patro à l’époque.
Je me réjouissais de la retrouver chaque semaine. Elle avait l’art du contact, était championne de la bienveillance, toujours à l’écoute, discrète et au service. Ele aimait rire et chanter. Je me souviens de nos jeux, de nos chants, de nos rassemblements. De son attention à chacune. « Dans nos patros, goûtons la pure ivresse des plaisirs sains et des ébats joyeux ... ». Je me rappelle nos camps dans lesquels la complicité atteignait les sommets.
Elle était heureuse, et son Lulu était un peu notre idole. On était toutes un peu amoureuses de lui sans doute, mais jamais on n’a pensé qu’il nous la prenait. Ils avaient 20 ans. Un joli couple.
J’ai grandi et nous nous sommes perdues de vue jusqu'au jour où nous nous sommes rencontrées à une fête de village. Je devrais dire retrouvées. Ce jour-là , on a bu, on a dansé, et on s'est offert un petit solo de batterie-guitare de tous les dieux en fin de soirée et on s'est promis de se revoir. Plus de 10 ans s’étaient écoulés et c'était comme si c'était la veille.
Nous avons après passé des soirées entières à échanger nos secrets, nos doutes, nos joies, nos tristesses. A parler du sens de la vie, de Dieu. Nous avons fait des parties de scrabble interminables avec un bon cigare et une petite goutte, toujours après un délicieux dîner - elle était excellente cuisinière. Lulu était toujours de la partie, notre complice. Un beau couple. Nos rencontres font partie des meilleurs moments de mes 20 ans.
Elle a eu des enfants. Difficilement. J'en ai eu à mon tour, pas si longtemps après, finalement. La vie, notre attention pour nos enfants devenus ados nous ont conduit à espacer nos rencontres. Je ne manquais pas de passer prendre un café quand j’étais dans le coin. Je l’entends encore prononcer mon prénom comme une « bonne surprise », à chaque fois qu’elle m’ouvrait la porte ... J’ai toujours pensé avec tendresse à elle et tout ce qui nous rapprochait me réjouissait. Au-delà d’elle, son homme, ses enfants, eux tous ensemble n’y étaient pas pour rien.
Puis un 8 septembre, son fils que je vois encore régulièrement au boulot, m’a sonné pour annoncer son décès. Quelques mois de maladie qui furent particulièrement douloureux. Je n'en savais rien. J’ai beaucoup pleuré. J'ai pleuré sa souffrance et celle de ses proches, sa mort programmée et accompagnée. J'ai pleuré sur moi-même qui ai perdu pour toujours une personne que j’admirais, que j’aimais. Une page tournée de ma jeunesse. J’ai pleuré une distanciation que nous n’avions pas voulue, une histoire commune qui ne pourra plus s’écrire. J'ai pleuré une amie, comme on pleure ses amis.
La dernière photo d’elle n’a pas quitté ma voiture depuis son enterrement il y a dix ans, et cela me plait ainsi : je tombe dessus régulièrement et c’est un peu comme si c’était elle qui me rendait une petite visite ...
10 ans déjà , Nic..
