Nicodème dans l'entre-deux (Jn 3, 16-21)
- Isabelle Halleux
- 29 avr.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 mai

Mercredi 30/4/2025 - Lectures de la messe du jour : (Ac 5, 17-26) - Ps 33 - (Jn 3, 16-21)
Brève introduction aux lectures du jour :
Après la mort du Christ, le Sanhédrin et tout son entourage sont excédés par le témoignage des Apôtres, leurs miracles, l'intérêt qu'ils suscitent. Ils interviennent pour les empêcher. Ce passage des actes raconte leurs actions.
L'évangile de Jean commence par : « En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème... ». Depuis lundi, nous entendons ce que Jésus a dit à Nicodème le pharisien, notable parmi les juifs (Jn 3, 1), venu le trouver pendant la nuit.
Le nom de « Nicodème » apparaît 3 fois dans l’évangile de Jean – et seulement dans l’évangile de Jean :
lors de cette visite nocturne à Jésus (Jn 3, 1-21),
quand il intervient alors que Jésus est contesté après un enseignement dans le temple (Jn 7, 50-51),
quand Jésus est descendu de la croix et mis au tombeau : il apporte un mélange de myrrhe et d’aloès (Jn 19, 39)
Aucun doute : c’est bien du même Nicodème qu’il s’agit. L’évangéliste le mentionne explicitement : « Nicodème, celui qui était allé précédemment trouver Jésus », « Nicodème, celui qui, au début, était venu trouver Jésus pendant la nuit ».
Après l'écoute de ces lectures, je vous propose d'aller voir d’un peu plus près ce que ce personnage peut nous dire aujourd’hui...
Méditation :
Nicodème. Un pharisien. Un homme de loi. Un homme droit. Il a appris à servir Dieu debout, avec des textes et des rites. Et voilà qu’un autre, un « tout autre » vient, qui n’entre dans aucune case : Jésus.
Nicodème vient à Jésus. Pas comme un disciple. Pas comme un converti. Mais comme un homme qui cherche.
Il vient de nuit. Pas à découvert. Pas avec des certitudes. Il vient discrètement, avec ses questions et ses hésitations. Et Jésus l’accueille.
Le Christ lui dit des paroles vertigineuses :
« Il faut naître d’en haut. »
« Le vent souffle où il veut. »
« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils. »
Nicodème est sans doute troublé. Mais il reste. Il reste, avec un pied dehors et un pied dedans. Ni hostile, ni engagé. Sur le seuil. Présent.
Plus tard, il prend la parole - une seule fois - pour demander si la Loi permet de juger un homme sans l’avoir écouté.
Et quand il ne reste plus qu’un corps en croix, quand les foules se taisent, lui, Nicodème, s’avance. Il ne crie rien. Il n’annonce rien. Il n’évangélise pas. Il honore : il prend soin du corps. Il enveloppe. Il parfume. Il veille.
On ne sait pas s’il a cru. Mais on sait qu’il était là. Présent. Fidèle. Silencieux.
Nicodème est de ceux qui sentent que Dieu les appelle à sortir du cadre, mais qui n’osent pas. Il est de ceux qui ne rejettent pas la foi, mais qui ont besoin de la nuit pour chercher.
Il représente tous ceux qui ne savent pas comment croire ou comment dire leur foi. Il est de ceux qui vivent en marge, à voix basse, pour ne pas choquer, ne pas perdre la face, ne pas être pointés du doigt ou ne pas être rejetés. Dans nos églises, à l’heure où la nuit pascale illuminait les cuves baptismales, il y avait sans aucun doute, présents, des Nicodèmes. Y avons-nous pensé ?
Nicodème est de ceux qui sont dans l'entre-deux, entre l'ombre et la lumière, entre l’institution d’un côté, l’appel du cœur de l’autre. Il est comme notre société : en tension. Il incarne ceux qui ne sont pas contre le changement, mais qui sont pris dans les mailles du pouvoir, de la prudence, de la peur du scandale, du silence.
Nicodème est un peu l’image d’une Église qui a peur de la lumière qu’elle proclame. Une Église qui continue de venir à Jésus, à condition que ce soit sans trop de bouleversements, sans remise en cause.
Nicodème, c’est peut-être l’Église elle-même, quand elle sent que le vent souffle où il veut… mais ne sait plus comment l’accueillir.
Nicodème nous dit aussi quelque chose du moment ecclésial que nous vivons. Il rappelle la valeur du trouble, du pas de côté discret, de l’écoute fragile mais sincère. Il rappelle que tous sont appelés et accueillis par Jésus.
Nicodème est peut-être finalement le témoin dont nous avons besoin, celui dont la fidélité se mesure à la compassion, pas à la proclamation, celui qui prépare l’aube en osant traverser la nuit. Il est le trouble qui féconde le changement. Il porte les besoins exprimés en synode.
C’est dans ce clair-obscur d’aujourd’hui que Nicodème peut nous parler :
Et si l’Église de demain se construisait aussi par la fidélité patiente de celles et ceux qui, comme Nicodème, ne brillent pas, mais restent simplement là ?
Et si notre mission aujourd’hui, dans cette Église sans François, était de devenir des Nicodème ensemble : des chercheurs de nuit, des veilleurs de seuil, des porteurs de corps, des compagnons de l’entre-deux, des hommes et des femmes de transition, au cœur même de la Résurrection ?
Comments