Rouler à 50 km/h (Mt 5, 17-19)
- Isabelle Halleux
- 24 mars
- 4 min de lecture
Lectures du jour (26/3/2025): (Dt 4, 1.5-9) – Ps. 147 – (Mt 5, 17-19)

Quand on entre à Liège par le Nord-Est, c’est-à-dire en venant de Maastricht, l’autoroute se prolonge par une chaussée à deux bandes en sens unique le long de la dérivation de l’Ourthe. Il y a plusieurs années (dizaines d'années, plutôt), la vitesse y était limitée à 70 km/h. Beaucoup de camions transitaient par là, en route vers l’Ardenne. Puis, un jour, on a réduit la chaussée à une seule voie, toujours à sens unique, on a limité la vitesse à 50 km/h et on a interdit le passage aux camions, et avec eux celui aux caravanes de hollandais. Ils n’avaient qu’à faire « le grand tour » par le ring de Liège : 20 km en plus, et une bonne trentaine de minutes quand tout va bien.
Une seule bande à 50 km/h : c'est devenu la règle et avec elle, bien entendu, les amendes pour les contrevenants... Quelle était l’intention de la ville derrière cette décision ? Augmenter la sécurité ? Limiter la pollution atmosphérique ? Diminuer le charroi ? Préserver le revêtement de la route ? J’ai posé la question à mon beau-frère qui semblait bien informé.
Quand un camion passe de 70 km/h à 50km/h, il émet 10-15 décibels en moins, c’est-à-dire qu’il est deux fois - deux fois et demi moins bruyant. Une voiture à 50 km/h comparée à un camion à 70 km/h, fait 3 fois moins de bruit. Pour vous donner une idée, 3 fois moins de bruit, c’est la différence entre une conversation tranquille et un aspirateur à pleine puissance dans le salon.
Et mon beau-frère de m’expliquer que l’intention de la ville était avant tout de rendre vivable la vie des riverains : leur permettre de dormir la nuit, de se parler à voix basse au petit-déjeuner, d’entendre Bébé pleurer à la sieste, et de choisir quand ils le voulaient et aussi longtemps qu’ils le voulaient le bruit de l’aspirateur !!! Cette intention, personne ne la connaissait à l'époque, et aujourd’hui, tout le monde l’a oubliée… L’intention allait au-delà de la régulation du trafic, d'un souci de voirie ou d'un intérêt pour la qualité de l’air : l'intention était une attention à la qualité de vie des gens. Etonnant ? C'était Il y a 25 ans : c'était assez exceptionnel... J'ai râlé, je vous avoue.
Eh bien, c’est un peu de cela dont nous parle l’Evangile du jour : l'intention derrière la loi. On est dans un autre registre bien sûr : la profondeur de la Loi de Moïse, son intention n'est pas de même nature, ni de même profondeur que le code de la route !
La Loi des Juifs décrite dans la Bible, dont Moïse nous parlait dans la première lecture du Deutéronome, la Loi enseignée de génération en génération, suivie parfois sans réfléchir, par habitude, il faut la garder et la mettre en œuvre, tant que le ciel et la terre existent, dit Jésus. Elle est bien comme ça, sans en changer un iota. Il ne faut pas l’abolir.
Jésus nous dit qu’il est venu « l’accomplir » Qu’est-ce à dire ? Que Jésus vient nous montrer toute la profondeur spirituelle de cette Loi : il s’agit de se rappeler sa finalité ultime, qui est la relation à Dieu et l’amour du prochain.
Jésus révèle, par sa vie, que l’esprit de la Loi, c’est d’amener les humains à une vie nouvelle marquée par l’amour, la réconciliation, la transformation intérieure. Ce but est l'intention profonde de Dieu.
Les lois civiles peuvent avoir une fonction sociale et pragmatique, partir d’une réalité humaine de besoin de justice, d’ordre et d’amour, mais les lois bibliques visent en plus à orienter la personne, son cœur, sa relation avec Dieu et avec les autres pour atteindre la plénitude spirituelle. La Loi devient ainsi un chemin de transformation, de conversion et de réconciliation.
Prenons l’exemple du sabbat (Exode 20, 8-11), une règle bien définie, un commandement selon lequel il est interdit de travailler. Le sabbat est un moyen – et seulement un moyen – de se rappeler que le travail n’est pas le but de l’existence humaine. Derrière le jour du sabbat, il y a une idée plus profonde : c’est un jour pour consacrer du temps à Dieu. C'est une invitation à prendre du recul, à réévaluer sa relation à Dieu et aux autres, à se reconnecter à Lui. Un jour de désert par semaine...
Autre exemple, le 8e commandement : « Tu ne commettras pas de vol » (Exode 20, 15). Jésus va plus loin que de dire qu’il est interdit de voler, voire d'accepter d'éventuelles circonstances atténuantes au larcin. Il propose aux deux parties une transformation intérieure telle que la générosité et le partage sont possibles; la réconciliation est primordiale pour Dieu.
Et on pourrait passer ainsi en revue tous les commandements et les règles de vie (en Dieu) des Juifs.
Paul écrit aux Galates que « la Loi, comme un guide, nous a conduit jusqu’au Christ » (Galates 3, 24). Oui, parce que la Loi nous offre un cadre dans lequel la rencontre avec Lui est possible, un cadre dans lequel on peut vivre selon la volonté du Père.
Je pense que c’est un chemin de Carême que de saisir l’opportunité de conversion qui nous est donnée par la Loi et rappelée dans l’Evangile d'aujourd'hui.
Rappelons-nous au quotidien de la profondeur spirituelle de la Loi, et vivons-la à 50km/h comme une action consciente et réfléchie pour un chemin d'amour, de rencontre, un chemin de carême.
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